D’Alcatraz, son premier band fondé à 15 ans, à Good Luck On My Side, son sixième et récent album, le chanteur harmoniciste Rick L. Blues – l’initiale est une discrète allusion à son nom de famille – affirme sa passion pour la musique en général et pour le blues en particulier. Mais pas n’importe quel blues : l’authentique. Celui que lui inspirent depuis toujours les Muddy Waters, Ray Charles, B. B. King et Little Walter. Des monstres sacrés qu’il a découverts, tout comme les ténors du jazz, avec la fameuse émission de radio Jazz soliloque, animée dans les années 80 par Gilles Archambault. « Je l’écoutais religieusement et le lendemain, j’allais acheter les disques qui m’avaient plu, se rappelle Rick. Un jour, un blues joué à l’harmonica m’a fasciné. » L’histoire d’amour venait de commencer.
De son père fermier, l’autodidacte doué a appris la persévérance, et de sa mère couturière, l’amour du travail bien fait. Les scènes ne se comptent plus depuis le temps où le petit Richard de huit ans apprenait les chansons de Blue Hawaii, l’unique disque d’Elvis de la maison. D’abord guitariste puis batteur, notre chanteur soliste devenu harmoniciste a commencé par former – avec le guitariste Henri Breton – le duo B. L. Blues, qui allait se transformer en trio puis en quatuor. En 1998, avec son groupe Rick L. Blues & The Swinging Fools, il lançait Eleven Past Eleven, son premier album. D’événements en festivals, dont le FIJM qu’il faisait pour la onzième fois l’été dernier, il a côtoyé des spécialistes comme Vic Vogel, Guy Nadon et Jean-Jacques Milteau mais aussi des artistes pop comme Garou, Annie Villeneuve et Marjo.
«J’écris tous mes textes, en anglais parce que ça sonne mieux, et j’imagine les structures musicales, que je peaufine avec mes musiciens. »
Pour le musicien de 47 ans originaire de Très-Saint-Rédempteur, près de Rigaud, blues pur et dur ne rime pas avec conformisme. Ce créateur d’ambiances se fait un point d’honneur d’émailler ses disques et ses spectacles de ses compositions et d’une touche très personnelle. « Le blues, c’est l’âme mise à nu. C’est une affaire de tripes, d’émotions profondes, précise-t-il. Je puise dans ces émotions-là. J’écris tous mes textes, en anglais parce que ça sonne mieux, et j’imagine les structures musicales, que je peaufine avec mes musiciens. »
Ses sujets de prédilection ? « Mon dernier album, par exemple, je l’ai voulu léger, très festif. J’ai joué sur la thématique de la chance parce que, malgré quelques coups durs, je me considère très chanceux dans la vie. Bien sûr, je parle des femmes (“Long Legged Woman”, “She Makes Me Dizzy”), d’amour, de sexe. Il y a aussi des constantes, comme une nouvelle chanson de Noël sur chacun de mes disques (“Santa Will Never Die”) et “Belle Roots 5”, cinquième version enregistrée d’un de mes titres. “Well Dressed Man” est un clin d’œil à ce qui ressemble aujourd’hui à une signature : mes costumes sur mesure, qui rappellent les tenues impeccables des bluesmen de l’époque. »
Côté musique, le récent opus marie intimement le Chicago blues – « fondé sur le Mississipi blues, mais avec de la guitare électrique, » explique Rick – (dans « Good Luck On My Side » notamment), le West Coast – « du blues avec une pointe jazzy » – (« Cool Cat Swing ») et le New Orleans – « un mélange de blues et de jazz très joyeux » – (« Belle Roots 5 »). L’harmonica, libre et spontané, laisse aussi percevoir cette couleur jazz acquise au fil d’années d’écoute et d’exploration.
Après cinq disques autoproduits, Rick est maintenant de l’équipe Iguane Records, dirigée par Nicky Estor. « Nicky, aussi batteur sur Good Luck On My Side, m’a apporté le son que je cherchais. Il a fait venir de la région de Bordeaux le claviériste Vinz Pollet-Villard et le guitariste Florian Royo. À eux se sont joints les bassistes Kevin Mark et Cédric Dind-Lavoie (l’un des rares à scatter en jouant), le saxophoniste Little Frankie Thiffault et mon ami Éric Desranleau, ex-Mes Aïeux, à la voix. Nous avons enregistré live en studio, avec une bonne dose d’impro. »
Épris de la région de Bordeaux, où il a des amis, et fervent amateur de vins, Rick souhaite renforcer les liens professionnels qu’il entretient déjà avec la France. « J’ai joué au Festival Blues sur Seine et fait plusieurs spectacles là-bas. En France, les événements blues sont très nombreux. Et puis, j’ai beaucoup d’affinités avec ce pays. Tout petit, je dévorais les films français et je rêvais de Paris. »
Le cinéma, justement, pourrait l’appeler bientôt, lui qui en plus d’avoir participé à la bande sonore de La Bouteille planche avec un ami scénariste sur un film inspiré de sa propre vie. Rick L. Blues est de ceux qui forgent leur destin. Encore et toujours.