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Porcelaine a fait son apparition en 2010 avec un mini-album homonyme de cinq titres. À l’époque, le projet reposait sur les épaules de la Montréalaise Mélanie Scala. Un mouvement naturel a fait migrer le projet solo vers la formule collective : « L’élaboration du deuxième album s’est passée différemment. Mon ancien complice dans Maharajah, Simon Bédard (guitares, voix), a co-composé avec moi toutes les pièces de La foire aux animaux. Les autres musiciens étaient dans notre entourage. Au début, on cherchait des collaborateurs en maîtrise de leur instrument, on les avait engagés pour les spectacles. Mais voilà, ils ont proposé leurs lignes et, de fil en aiguille, se sont greffés au groupe. J’avoue que ça m’avait manqué dans l’aventure solo. »
La musique, Mélanie l’a dans le cœur comme on embrasse une vocation. Au cours des trois dernières années, l’ancienne messagère à vélo – qui fut même à une époque lutine de Père Noël dans les centres d’achats – a donné vie à deux enfants, un ep et un album. Vivre de musique et d’eau fraîche, ce n’est pas la voie facile pour une artiste sans compromis, « mais c’est ma passion alors j’y mets l’énergie. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds de la musique. La clé, c’est de rester réaliste, tout en se permettant de rêver ».
Transe collective
Le combo Porcelaine a donc lancé un album le 1er mai dernier et un vinyle en juillet sur lequel s’entend très clairement un solide ancrage dans la décennie 70. Folk-pop atmosphérique aux orchestrations ambitieuses et foisonnantes, la proposition du groupe flirte par moments avec le psychédélisme, sans aller s’y complaire, un peu comme chez Monogrenade. À la flûte traversière, Maude Langevin-Charlebois tutoie le fantôme d’Harmonium, en particulier sur la très belle « Langue de bois », dans laquelle un oiseau se fait un nid avec… une langue de bois ! « Ah oui, c’est drôle, cette chanson-là s’est écrite tellement vite. Je suis partie de nulle part : j’ai commencé par taper sur des casseroles, j’ai ajouté un peu de synthétiseur et quand la flûte est arrivée, tout a décollé ! D’ailleurs, c’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais de la flûte sur l’album. Ensuite, les paroles ont coulé de source : il est grand le mystère de la création, » rappelle en rigolant la chanteuse. En ce qui concerne les années 70, « oui, cela fait partie de nos sensibilités. Dans ce groupe, nos goûts musicaux se rejoignent. Nos affinités vont de Gainsbourg à Fleet Foxes et je suis de près la scène montréalaise. En cours de route, on s’est aperçu que notre processus s’apparentait beaucoup à celui des groupes de cette décennie-là : on a le même esprit libéral, on n’est pas enfermé dans quelque chose de cérébral, loin de là. On y va au feeling, en faisant fi des moules et des modes ».
Dès qu’on entre dans La foire aux animaux, ce qui saisit et éblouit, c’est la voix, ou plutôt les voix, harmonieuses, déballées sans emphase, coulantes et fluides, roulant les unes sur les autres. Même lorsqu’elle chante seule, Mélanie Scala a pris beaucoup d’assurance depuis le mini-album de 2010. Les harmonies vocales constituent sans aucun doute l’une des forces de Porcelaine. « C’est ce que l’on souhaite mettre de l’avant. On travaille dans un esprit collectif ; chanter ensemble rapproche, rassemble et unit. L’album en est teinté et je remarque que c’est ce qui rejoint et touche les gens. »
Ce qui nous amène à aborder la question des textes, par moments naïfs mais poétiques, ailleurs hypnotiques ou cryptés. Étonnamment, il n’y a pas tant d’animaux dans cette belle ménagerie. Un œuf de corbeau, un oiseau qui construit son nid avec une langue de bois, mais où sont les éléphants rencontrés sur la pochette ? « Les animaux, c’était surtout un prétexte pour parler des humains. Parfois, nos émotions sont en phase avec nos instincts, mais notre tête nous en éloigne. On sacrifie nos instincts – qui relèvent de l’animal en nous – au profit de notre logique qui veut tout contrôler… Plusieurs de nos textes sont issus de cette réflexion. Nous avons des armes poétiques (…) À la foire aux animaux, nous étions dans la même cage, rassemblés comme un troupeau avant l’abattage, » chante Mélanie sur la chanson qui donne son titre à l’album. Elle conclut, un sourire dans la voix : « La foire aux animaux, c’est aussi un clin d’œil au processus de création de l’album, au groupe qui s’est formé tout naturellement pendant le travail. Cet album a vu le jour parce que nous étions plusieurs et que nous avons mis toutes nos émotions en commun. » La musique : y a-t-il plus beau ciment pour lier les êtres ?