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Depuis le grand débarquement de Radio Radio dans le paysage musical, le public québécois est tombé plusieurs fois sous le charme d’artistes acadiens, et pas qu’en raison de leur accent. Lisa LeBlanc, avec sa sincérité désarmante, ses textes crus et sa dégaine de prétendue cow-boy est la dernière en date. « Les gens parlent d’un renouveau de la scène acadienne, moi je considère que le couvercle a été levé sur quelque chose qui mijotait depuis des années, analyse le sympathique et lumineux Joseph Edgar, » originaire lui aussi de l’Acadie.
À l’image de ses collègues, Joseph Edgar poursuit son ascension, mais de manière un peu moins fracassante, sans brûler les étapes. « Ce que je fais est ni tout à fait pop, ni vraiment underground et les gens ont parfois un peu de misère à me situer au début… » Avant d’officier comme artiste solo, l’auteur-compositeur a connu, de 1993 à 2003, l’expérience de chanteur/parolier au sein du groupe Zéro °Celsius. « Des bands sont arrivés et ont introduit de nouveaux sons sur la scène musicale locale : Idée du Nord, qui avait même été signé sur la prestigieuse étiquette indépendante Sub Pop, Les Païens, et puis nous. L’indie-rock est arrivé sur cette scène jusqu’ici plus ancrée dans la tradition et c’est là qu’à mon avis on a pu commencer à parler de renouveau de la scène acadienne, car les nouveaux sons ont non seulement traversé les frontières, mais aussi commencé à être acceptés par chez nous. Au début, les gens avaient des réserves : la guitare électrique et l’approche plus punk, c’était presque un sacrilège aux oreilles de certains ! »
En 1995, Zéro °Celsius signe avec Warner. « Puis les choses sont devenues bizarres… On a fini par briser le contrat de disque et nous sommes devenus anti-industrie. À la fin, nous étions tellement anti-toute, qu’on était devenu anti-nous-mêmes… On s’est auto-sabotés. » Il y a eu un déménagement à Montréal et de nouvelles fréquentations… Puis une petite voix s’est manifestée, pour finalement prendre toute la place. « J’avais toujours co-composé… Pendant un an et demi, j’ai eu un band transitoire, Joseph Edgar et la société sonore. » Mais l’artiste de Moncton a fini par faire cavalier seul et il vient de lancer son quatrième album solo, Interstices.
À fleur de peau
Ce qui saisit d’abord à l’écoute de cet album lancé au printemps dernier, c’est la voix. Il y a quelque chose de viscéral dans la livraison chantée, quelque chose de vrai, de brut. « Moi j’aime la musique imparfaite. Je care pas si y’a une couple d’erreurs, j’aime que les artistes laissent des traces de leurs phases exploratoires. » Voilà pourquoi, il a confié la réalisation de l’album à Joe Gagné des Breastfeeders, rencontré en Louisiane, puis croisé à nouveau à Montréal.
Parmi les modèles de Joseph Edgar, il y a Neil Young et Zachary Richard. « Neil Young est celui dont l’esprit m’inspire le plus, car il va lui aussi du folk à l’électrique et ses meilleurs albums ont ce côté imparfait dont je parle. D’ailleurs, c’est de lui que m’est venu le titre de mon disque. Après Harvest, qui contient tous ses gros hits, il a lancé quelques albums où tout est un peu croche et émotif : des chefs-d’œuvre à mes yeux. On lui a un jour demandé pourquoi il avait tourné le dos à l’occasion de devenir une star populaire. Il a dit : “J’étais sur la route et soudain j’ai regardé dans le fossé puis j’ai réalisé que c’est ce qui vivait là, tout au fond, qui m’attirait.” Après la fonte des neiges, c’est dans le fossé que tu vois les déchets et les sédiments qui se sont déposés pendant l’hiver, mais aussi les premières fleurs, au printemps. Le laid et le beau s’y côtoient. Le titre de mon album, Interstices, est un synonyme de fossé, en clin d’œil à cette anecdote. »
Quant à Zachary Richard, ses premiers albums ont été déterminants pour le jeune musicien qu’il fut. « C’est quelqu’un qui continue de prendre des risques et il avait même fait une reprise d’une des chansons de mon groupe sur Cap Enragé. “Petit Codiac”, c’est de nous, ça. »
Vous l’aurez peut-être croisé en lever de rideau pour Daniel Boucher au cours de l’été dans le cadre des tournées du ROSEQ, ou en duo avec Lisa LeBlanc. Tendez l’oreille si vous aimez les paroliers inspirés par les détails inusités, par les petites choses que personne ne remarque. Il est aussi habile quand vient le temps de ficeler des portraits de personnages un peu décalés (« Pont MacKay », « Chemin connu », « Le fantôme de Blanchard »). Montez avec lui pour une road-song qui vous mènera jusqu’au bout de la route 56, là où s’étend le delta du Mississipi… « Tu vas là pis tu tombes sur un joueur d’harmonica qui ressemble à ta grand-mère, c’est quasiment un pèlerinage… »
Embarquement dans 5, 4, 3, 2…